oct
2016
Problème d’amour
Il m’aimait, c’était sûr, il me l’avait dit. Sauf qu’à l’instant où il m’a avoué ses sentiments, j’ai eu peur de lui répondre « moi aussi », et peur d’ajouter « on sort ensemble ? ». Alors je suis partie. Oui, je me suis simplement retournée, dans un sourire aussi léger que timide, et je suis partie.
J’ai regretté. C’était quand même l’homme de ma vie, on avait tous les deux un « o » dans notre prénom. Pendant des jours, je n’ai fait que revivre la scène, moi qui reste, qui ferme les yeux et tends les lèvres. Nos dents qui se cognent, nos langues qui ne savent pas. La vie qui commence.
J’ai décidé d’aller lui parler (de dos, parce que j’étais plus à l’aise). Il m’a dit que non, il ne m’aimait plus. D’un coup, comme ça. Je voulais qu’on aille plus loin, qu’on s’explique. Et que finalement on s’embrasse. Mais il est parti.
Quel coup bas. Il se vengeait, j’en étais sûre. Il empruntait ma démarche pour bien se foutre de moi.
J’ai regardé son dos filer, moi assise sur le banc du plus gros vent de toute ma vie entière.
Ça décoiffait, j’ai dit aux copines plus tard.
En rentrant, je me suis enfermée dans ma chambre, j’ai écrit son prénom en gros – en insistant bien sur les « o » – partout dans mon agenda et dans mon journal intime. La loi de l’attraction sans même le savoir. Mais j’étais certaine d’une chose : il allait revenir. Il m’aimait toujours. Il ne pouvait pas ne plus m’aimer simplement parce que j’avais eu peur de l’engagement (treize ans).
J’ai passé l’été à attendre son retour, à surveiller ses allers et venus dans le village. Il n’y avait pas d’autre fille.
On revient toujours en septembre. Déjà, parce que Hélène Rollès le dit dans une chanson, ensuite parce que le froid venant, on cherche du réconfort. J’ai recopié les paroles de la chanson d’Hélène dans mon journal : moi j’ai décidé de t’attendre, peut-être qu’en Septembre, tu reviendras. Avec un feu de cheminée à côté et en énorme : enfin non, pas PEUT-ETRE, c’est sûr !!!!!!
Le jour de la rentrée est arrivé. Mon « o » était plus vieux, nous n’étions pas dans la même classe. Je m’étais faite belle au cas où : on allait se croiser à la récré et avec mon pantalon moulant, j’allais le faire tomber. Il allait regretter.
Au premier rang, face à mon prof principal, il y avait lui. Kevin. Un beau brun. Un grand brun, aux yeux verts. Fière allure.
Mon cœur était retourné. Infidèle mais retourné. Comme quoi, on oublie bien en rencontrant quelqu’un d’autre, j’ai pensé.
Alors le soir, j’ai écrit dans mon journal cette chose : mon « o » d’amour va revenir, mais il y a aussi Kévin maintenant. Si « o » revient et que ça fonctionne avec Kévin, dois-je entamer une double relation ?
Treize ans, s’il-te-plaît.
Vous en pensez quoi ? J’aimerais répondre à l’ado très en avance que j’étais.