août
2014
Il m’avait pourtant dit que j’étais mignonne
Il faisait encore jour il y a quelques minutes. Assise en tailleur dans mon lit, j’ai vu le soleil tirer sa révérence. J’ai des fourmis dans le pied droit. Un début. Et le téléphone sur la table qui ne sonne pas.
Il ne bouge pas. Moi non plus. Il est mort, moi aussi. J’imagine qu’au moindre son, il m’esquissera un sourire, j’imagine qu’à sa prochaine manifestation, je lèverai de là mon gros cul.
Je n’ai pas faim, je refuse de dîner.
J’ignore depuis combien de temps je suis ici à guetter. Tout le week-end, peut-être. Le pire n’est pas d’attendre. C’est d’apprendre à attendre.
Je progresse. On s’occupe vite dans son lit à attendre qu’un garçon rappelle.
Barbu. Plutôt barbu. De ce que j’en voyais dans la pénombre du bar. On a échangé quelques mots autour de nos bières. Il avait de la mousse au bord des lèvres et un scooter pour me ramener. Et une grosse main pour bien me la coller aux fesses.
Derrière lui, j’étais un peu remuée. Trop d’alcool. On s’est alors arrêté un peu avant chez moi. Il m’a rassurée et il m’a embrassée.
Il m’a traînée un peu plus loin et bien planqués, on a fait l’amour sur un coin d’herbe. Je ne couche pas le premier soir, je couche la première heure.
Je suis rentrée à pied en me répétant son numéro de téléphone pour ne pas l’oublier. Le lendemain matin, je lui ai envoyé un petit mot.
Il m’a proposé d’aller manger un morceau le soir-même. J’ai une haine plutôt prononcée pour les gens qui mangent des morceaux. Peu importe, j’ai accepté. Nous avons passé un bon moment.
J’ai appris son prénom. Julien.
Normal. J’ai donc mangé un morceau avec Julien.
Nous avons ensuite pris quelques verres, pris le scooter, pris son escalier, pris une capote, pris notre pied dans sa piaule.
Depuis, c’est le vide.
Il fait le mort là. Plus personne. Plus de nouvelles. J’ai bien essayé d’appeler.
Je veux bien aller manger des morceaux moi. Mais son silence me coupe l’appétit. En attendant, je bois des litres de café, je me fais palpiter le cœur.
Puisqu’il ne s’en charge pas.
Depuis quand largue-t-on par silence. En même temps, deux soirées, ça n’impose peut-être pas plus de respect que ça. Je veux dire, comment larguer quelqu’un avec qui on n’a rien vécu.
J’ai été quoi. Un dernier verre. Une distraction.
Elle est belle la distraction. Elle s’emmerde depuis des jours chez elle. Elle se regarde, elle se trouve moche. Elle a fait quoi ? Pour qu’on l’oublie aussi vite qu’on l’a connue ? Elle avait l’air bête ? Peut-être sale ?
Un mec qui ne rappelle pas n’est pas intéressé. Putain, mais la vraie question est : pourquoi n’est-il pas intéressé ? A tous les coups, c’est ma gueule ça.
Je n’ai plus de force. Point de non-retour. Alors doucement je prends mon téléphone, alors doucement je me lève. Et tranquillement en approchant la fenêtre, je le jette sur la terrasse, je le vois se décomposer, s’éventrer. Au moins je saurai pourquoi on ne me rappelle pas. Il faudra juste expliquer à papa pourquoi j’ai pété son téléphone en mille, mais depuis le temps que je lui répète qu’à seize ans je pourrais bien en avoir un quoi.
4in
4 août 2014 à 12 h 43 min (2 années ago)Merde, ça fait peur ! J’adore !
sonia
4 août 2014 à 17 h 37 min (2 années ago)tes billets sont des cadeaux!
Le_Renard_Polaire
4 août 2014 à 22 h 03 min (2 années ago)Le frisson dans le dos dans les dix derniers mots.
L’art de la chute !
Sissi
5 août 2014 à 7 h 09 min (2 années ago)Première fois que je viens sur ton blog, j’adore ce texte…
Spidermaman
5 août 2014 à 22 h 59 min (2 années ago)C’est un connard et c’est tout.
caramel
22 août 2014 à 16 h 04 min (2 années ago)Genial….on rit bien suand même!