fév
2015
Jeune fille polie recherche appartement
Je réponds aux appels inconnus et même aux sondeurs de Bouygues Télécom. Je tiens la porte aux vieilles dames, et même aux jeunes, je ne vole pas dans les magasins, même sans antivol, même sans vigils, pas chez les gens, pas à l’hôtel, même pas les petits savons et surtout pas les serviettes de bains.
Je m’excuse quand je n’ai pas la carte de fidélité, quand je suis en retard sur mon avance, quand je bouscule dans le métro mais surtout quand on me bouscule. Je me remets en question quand je marche sur un pied et je culpabilise quand je me couche tard.
Je salue ceux que je croise, je souris un peu trop, je déborde de bonnes manières et d’une belle éducation, je remercie le ciel tous les jours même si je doute de ce qu’il cache, j’offre des verres même quand j’ai soif, j’offre mon temps même quand j’en manque.
Je paie mes impôts à l’heure et j’ai l’impression de gagner de l’argent quand la sécu me rembourse. Je paie mon loyer comme il faut, je laisse des pourboires, je mange des pâtes cuissons rapide quand j’ai peur de ne pas finir le mois et je le finis.
Je rends dix euros quand je dois huit euros, je suis honnête, je ne fais pas de coup bas, de coup par derrière, je rappelle la banque quand je la loupe, j’accepte les conditions, les devoirs, les lois, les règles. Je marche droit et sans râler, j’accepte le système.
Mais le système ne m’accepte pas. Je me lève à l’heure qui me convient, je traîne tard si j’ai envie, et même en pyjama, et sans me brosser les dents. Je bosse aux heures qui m’appellent, la nuit comme très tôt le matin, sans trop compter, je me fais des dimanches les lundis, des lundis le samedi, j’ai un emploi du temps, avec emploi et beaucoup de temps. J’écris, je travaille, je réfléchis quand ça me chante, dans les cafés, dans la rue, dans mon canapé. Je n’ai pas de patron, très peu de réunions et aucune fiche de paie.
Je suis payée, par petits bouts, selon le contrat et peut-être la météo. Je ne reçois pas ma paie le dernier jour du mois, parfois un peu avant, parfois assez pour faire les magasins quand les autres ne peuvent plus suivre.
J’ai le luxe d’être libre mais a priori, je n’ai pas celui de trouver un appartement. Je gagne ma vie, je ne crève pas de faim, je donne l’argent qu’on me demande, je le prévois et le surveille. Mais je n’entre dans aucune case.
Ce n’est même pas la peine de faire la visite mademoiselle. Votre dossier ne passera pas.
C’est vrai, ça ne sert à rien d’être polie et carrée, ça ne sert à rien d’être généreuse et sérieuse. On va quand même pas filer un appartement à une fille qui se la coule douce à écrire de chez elle sans revenu régulier. On s’en fout qu’elle ait les moyens de payer, elle n’a pas de contrat à durée indéterminée.
Elle va rester là, avec ses envies de plus grand et peut-être que demain, elle va frauder dans le métro parce qu’à la longue, elle se demande à quoi ça sert d’être bien propre sur elle.
Onali
12 mars 2015 à 12 h 47 min (1 année ago)La politesse est le dernier rempart contre l’absurdité…Parfois…
Je te souhaite bon courage et beaucoup de persévérance <3<3