sept
2014
Un jour mon prince
Nous sommes assises sur un trottoir. Le soleil réchauffe le bitume et nos jeans noirs. Son cœur un laissé-pour-compte.
Les yeux plein de larmes, elle répète mon prénom. Elle me demande pourquoi. Une fois, deux fois, trois fois, et se lève. Elle jette son mégot à terre et tape du pied. A côté.
Non, mais je suis à côté de la plaque ou quoi ? Qu’est-ce qui cloche chez moi ?
Ses mains se précipitent à son visage et dévalent son corps en une seconde. Elle me supplie de la regarder. Elle me demande si elle est grosse, moche, si ses fringues sont douteuses ou ses seins trop petits.
Je lui dis qu’elle est très bien. Que l’amour qui foire, ça n’a rien à voir avec une paire de nichons. Il les a serrés, tes seins, non ? Bon.
Elle pleure. Parce que les histoires se suivent et se ressemblent. Parce que les mecs qu’elle croise prennent le temps de noter son numéro de téléphone, de s’en servir, de fixer un rendez-vous. Parce qu’elle s’y pointe et qu’elle met beaucoup sur la table. Parce qu’elle se bouffe ensuite une tête de lit et une messagerie vocale, que la relation vacille entre quelques jours et quelques jours, s’achève dans un strict silence qui fait mourir un petit plus chaque fois.
Tu vois, qu’elle me dit. Tu vois bien. C’est comme ça depuis deux ans. Des bouts de rencontres et des bouts de draps et après. Je n’ai jamais fait de projets avec quelqu’un. Tu me dirais ce que ça fait ? Que de vouloir s’installer ensemble ? J’ai forcément quelque chose qui repousse. Tu ne crois pas que c’est ma gueule. Peut-être que je suis sale, peut-être que je n’ai pas assez d’humour. Pourquoi aucun homme ne veut rester ? Qu’est-ce que j’ai, qui fait fuir ?
Elle saisit son téléphone et relit le message de rupture. Propre. Toujours les mêmes mots, toujours les mêmes chutes.
Elle me dit qu’elle a trente ans. Je le sais. Que c’est désespérant, tout ça. Que ce n’est pas normal de chercher autant l’amour sans jamais tomber dessus, d’errer en soirée les fesses rebondies et le cœur prêt à tout, de rentrer déçue, toujours, encore. Lasse.
Elle s’assied à nouveau. Elle prend sa petite voix, la plus fragile. Vous me faites chier à tous me dire que ça va venir et que chaque pot a son couvercle. Ce sont des foutaises. Personne veut être mon couvercle, je suis franchement un pot en déroute.
J’ai envie de lui dire qu’elle est belle. Qu’elle est vraiment belle. Que ça viendra, le chemin, le destin, l’homme, les débuts, les premières fois, le quotidien, les envies, les soirées télé et les grands projets pour demain. Qu’un jour elle hésitera des heures entre « Zoé » et « Cléa » pour le prénom du premier.
Mais je ne dis rien. Parce qu’elle ne me croirait pas. Je l’écoute et je me dis que le plus rassurant dans tout ça, c’est que toutes celles qui vivent aujourd’hui une belle histoire d’amour ont un jour et très certainement, douté comme elle.
Appolonie
3 septembre 2014 à 13 h 15 min (2 années ago)Bonjour Ovary, je viens de découvrir ton blog et j’aime beaucoup tes textes. Celui-ci notamment me parle bien (moi aussi je veux un prince charmant!), c’est fin et sensible. Merci à toi pour cette jolie lecture!
Cél
3 septembre 2014 à 13 h 49 min (2 années ago)Parce qu’après avoir traîné avec un Prince pas charmant du tout après un divorce qui pique encore, et donc, à 40 ans, j’ai passé l’étape, je suis dans cette phase de projet, de recherche d’appartement et étant donné que la vie me sourit, je pense que pour savourer encore plus une belle histoire il faut sans doute en avoir bavé, avant …
MORGANE
4 septembre 2014 à 7 h 29 min (2 années ago)Encore des mots percutants, des mots touchants, réalistes, vrais.
J’espère que ton amie a lu ce bel article parce que moi en tous les cas, j’ai envie de te serrer dans mes bras !
Matthieu
8 septembre 2014 à 11 h 01 min (2 années ago)Ces moments font aussi le lit d’une prochaine histoire d’amour, non?