Le blog d'Ovary

Si elle n'existait pas vous l'auriez inventée

Et si c’était le bon ?

Je me change quinze fois, j’écris cinq messages à cinq de mes copines : les filles, j’ai un DATE putain. Dans les cinq minutes, j’ai cinq réponses, cinq questions : Avec qui ? C’est qui le mec ? Tu t’habilles comment ? T’es chaude ? Fonce !

Je réponds dans l’ordre : avec un certain Pierre. Un certain Pierre. En pute. Grave. Ouais.

J’arrive en avance même s’il paraît qu’il faut toujours arriver un peu en retard.
Se donner rendez-vous à la Fontaine Saint Michel, c’est un peu comme se donner rendez-vous à l’arrivée d’un semi-marathon. C’est lui, non c’est lui, peut-être lui ou alors lui.

Plantée là comme une con à fumer des clopes pour me donner une contenance, j’essayais de me remémorer la tronche du dit Pierre.

Parce qu’en soirée, avec quelques grammes d’alcool et bourrés comme des cochons, il y a des visages qui se déforment et des pelles étonnantes qui se roulent. Après, il y a la vie réelle.

Il arrive dans trois minutes et soudainement, je regrette. Je ne veux plus être là, je ne veux plus avoir rendez-vous, j’aime plus les rencontres, encore moins les débuts, j’aime pas découvrir, apprendre, tâter, chercher. J’ai envie de rappeler un ex, je préfère le confort et de loin les habitudes.

J’écris à mes cinq copines : j’ai peur.

Elles répondent dans l’ordre : Mais non. Mais non. Mais non. Mais non. Mais non.

Et si j’avais mal vu ? Et s’il avait un appareil dentaire ? Et s’il m’arrivait à la taille ? Et s’il était con ?

On se reconnaît au premier coup d’œil. On se dit salut, voilà salut, voilà c’est poli. On se dit : on va où ? Evidemment, je dis que je ne connais pas tellement le quartier. Evidemment, il répond que lui « pas tellement plus » pour se donner le droit à l’erreur s’il choisit le mauvais café.

Il ressemble à mon souvenir, le verre à la main en moins. Il ne m’arrive pas à la taille, mais aux talons que je ne porte pas. Ses dents sont alignées, je les observe quand on pose nos culs en terrasse. J’ai envie d’écrire à ma ribambelle de copines que tout va bien, que j’ai bien fait de m’habiller comme une pute – n’est-ce pas – et que je suis déjà amoureuse de son prénom.

Il me raconte son boulot, je l’imagine s’activer dans les couloirs de son bureau.
Puis son enfance en Auvergne. Je me vois grimper des volcans à ses côtés.
Il me décrit son appartement, j’imagine mes fringues qui s’y répandent et de ma touche dans la cuisine.

Il me pose des questions sur ma vie, mon œuvre. Notre conversation, c’est du petit bonheur en boîte, c’est mille atomes crochus qui planent entre sa bouche et la mienne. Je bénis toutes les pelles roulées au hasard d’un pub, tous les vendredis soirs où l’on rentre mal fichues, je bénis toutes les rencontres pas classes qui peuvent sonner finalement juste.

On rigole, on se sourit, je me demande. Comment on reconnaît « le bon », le célèbre bon. Est-ce que ça ressemble à ça ? Discuter sans réfléchir, le temps qui passe trop vite, se dire il est déjà minuit, cette sensation de se connaître depuis cent ans ou à peine moins, penser que rentrer chacun de son côté est déjà un non-sens ?

Tout est fluide, mieux : tout est logique. Ce serait donc ça « le truc ». Le truc qu’elles ressentent toutes, les copines, quand elles te disent « J’en sais rien, mais il y a eu un truc », « J’ai senti un truc », « On a eu le truc ».

Et putain, ce que j’ai le truc à cet instant.

Deux heures de bavardage plus loin, c’est plus un « truc », c’est un empire de « trucs », c’est l’évidence dans ses plus beaux draps, ça coule tout seul. On va de soi et tant pis si j’y vais d’abord. J’ai les yeux emballés et le cœur bleu, ou l’inverse.

Il file payer l’addition tandis que je passe faire pipi. Je replace mes cheveux puis je me jette sur mon téléphone pour écrire au club des cinq copines. Sauf qu’à force, on devrait le savoir : il n’y a jamais de réseau dans les toilettes des bars quand tu es dans une urgence copines. Sinon je leur dirais que « Tout est OK » et elles répondraient dans l’ordre : tu baises, là ? Cool ! Contente pour toi ! Tu me raconteras ! Top !

Ce à quoi je répondrais non, oui, oui, oui et oui.

Je remonte à la surface, je le retrouve sur le trottoir. Il m’attend, me bouffe des yeux, me fait comprendre qu’ils sont emballés, que son petit cœur est bleu, qu’on va se revoir et que lui aussi, il les bénit les rencontres pas classes qui finissent par sonner juste.

Je rêve de crier aux passants que j’ai peut-être rencontré une perle, de celles qui nous font bien dormir la nuit, parce que soudainement on sent que demain sera meilleur et que enfin, une histoire simple peut débarquer. Je me dis que tout ça, c’est du propre, que je ne veux pas de mon vieux confort, juste en découvrir un nouveau. C’est bon, le début, c’est bon quand sa bouche me prend soudainement et qu’il m’embrasse à m’en renverser.

Baiser chaud, nuit tombée, fontaine dépeuplée, ligne de départ.

Il me regarde et me dit bon.

Je récupère son « bon », je me dis « bon quoi ». Bon à bientôt ? Bon à demain ? Bon rentre bien ?

Il me dit : Bon, c’est pas tout, on va dans ma Smart ? Je suis garé là-bas.

Bon à tirer.

Connard. Le connard. Putain le connard. T’as bien fait de refuser, le connard. Han, mais quel connard, baiser dans une Smart, il est sérieux ?

14 Commentaires on Et si c’était le bon ?

  1. Gant2velours
    24 janvier 2014 à 12 h 58 min (388 jours ago)

    Dans une Rolls, à la rigueur, mais une Smaaaaaaart?
    Planquée dans un parking souterrain de Saint Michelllllll? OMFG !!!! NO WAY !
    Le connard, connard, t’as bien fait, yes, yesssss !

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  2. Le_Renard_Polaire
    24 janvier 2014 à 14 h 22 min (388 jours ago)

    Oh bon sang j’ai failli m’esclaffer chez mon client.

    Du coup ma longue séance de tests logiciels est tout de suite moins pénible, merci.

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  3. Mel
    24 janvier 2014 à 14 h 39 min (388 jours ago)

    Héhé une smart tu peux à peine rentrer une personne alors deux qui se font un calin …. je demande à voir… C’est à Saint Michel que ça se passe c’est ça …

    Grrr et après on se demande pourquoi les hommes et femmes ne se comprennent pas

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  4. catherine rastello
    24 janvier 2014 à 16 h 48 min (388 jours ago)

    Bon aujourd’hui j’ai 8 hystériques qui veulent faire du theatre, et qui couinent « pourquoi tu ris pourquoi tu riiiiiis!??!?!? »

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  5. Cécile Wonders Why
    25 janvier 2014 à 18 h 28 min (387 jours ago)

    Franchement j’ai lu le début et j’étais là : « Non mais ouais elle a trop raison, c’est trop beau quand ça fait ça. Faudrait peut-être que j’aille faire bouger les choses avec ce mec avec lequel il y a le truc. » Puis je lis la fin… « Ouais, y’a des chances aussi que ce soit pareil, et que je me prenne une grosse déception dans la gueule, on va peut-être y réfléchir ». Hahaha, triste vérité, c’est vrai !

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  6. Cyn
    9 février 2014 à 21 h 15 min (372 jours ago)

    Hahahaha la chute est phénoménale !!!
    Un vrai régal de te lire !!!

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  7. Cmoi
    19 février 2014 à 16 h 19 min (362 jours ago)

    Oui oui oui, j’ai commencé à lire, à me reconnaître, et puis cette histoire de Smart a carrément ressemblé à son embrassade de bon camarade … il m’avait fait 4 bises et souhaitait bonne nuit … mais, il est devenu mon Amour !
    Mais, pour ce faire, il m’a fallu l’inviter à nous revoir, chez moi et que nous passions un dîner à se bouffer du regard avant qu’il n’ose violer ma bouche …
    J’y repense avec une certaine nostalgie, je l’ai quitté il y a 3 mois …
    Ainsi va la vie, j’attends mon prochain « bon » …

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    • Ovary
      20 février 2014 à 17 h 40 min (361 jours ago)

      Il viendra le prochain bon. Parole d’Ovary.

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  8. Madame Sioux
    24 février 2014 à 14 h 40 min (357 jours ago)

    Oh la la, la claque… Et les souvenirs qui remontent :-)
    C’est drôlement bien mené, comme le reste, que je parcours depuis 1/2h au lieu de bosser.
    Bonne continuation!

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  9. sushi
    24 février 2014 à 17 h 37 min (357 jours ago)

    Il s’est dit « sur un malentendu ça peut peut-être marcher » mouhahaha,… le connard !

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    • Le_Renard_Polaire
      12 août 2014 à 15 h 01 min (188 jours ago)

      Une smart est tellement petite que le levier de vitesse peut devenir la muraille de Chine…

      Ou alors il faut avoir fait 15 ans de cirque…

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  10. Kevin
    10 octobre 2014 à 15 h 28 min (129 jours ago)

    Salut Ovary, moi qui déteste lire des brèves (voir lire tout court), j’ai totalement été happé par ta manière de présenter les choses et surtout ton style rédactionnel. Haletant avec une pointe d’ironie. J’adore !!

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