Le blog d'Ovary

Si elle n'existait pas vous l'auriez inventée

La tendresse

Il ne fait pas chaud. Sur le trottoir, j’allume une cigarette que j’agite en souriant à Clément. Assis à l’intérieur, il me regarde fumer. Je crois qu’il me trouve jolie.

Un taxi passe. Je pourrais bien monter dedans et pourtant. Ce soir, je n’ai pas envie de dormir seule. Ce soir, j’ai envie de rentrer avec lui, peut-être parce qu’il part vivre aux Etats-Unis demain. Peut-être parce qu’on se connait depuis hier.

Je colle mon front contre la vitre, je le cherche des yeux, j’aime beaucoup ses yeux. Je ne le vois plus à l’intérieur. Sa chaise est vide, la table encore pleine. Mon sac au sol. Je jette ma cigarette, mon cœur sursaute et mes pieds s’engagent.

Une main saisit mon avant-bras, une bouche se colle à la mienne. Ma tête se cogne à la vitre, mon chignon s’étale, ma respiration se bloque. Clément se serre contre moi ou me serre contre lui. Il me glisse à l’oreille que nous rentrons.

En direction de chez moi, nous ne discutons pas. Je monte les escaliers devant lui, j’ouvre la porte, il ouvre mes jambes.

Pas de dernier verre, pas de tour du propriétaire, il s’allonge sur moi et m’embrasse dans le cou. Mes mains hésitent, passent dans son dos ou cherchent sa nuque.

Il me soulève, s’agrafe à moi, dégrafe mon soutien-gorge et ma ceinture. Il retire mes chaussures et les balancent dans la pièce. Ma bouteille de parfum tombe au sol. Le bruit m’arrête, Clément continue.

Ses ongles se plantent en moi, ses dents prennent le relais. C’est quand il crache le nœud de ma petite culotte que je commence à perdre mon souffle.

Ma fenêtre donne plein sud, mon cul plein ciel, mon visage se prend la moquette à moins que ce soit la moquette qui se prenne mon visage.

C’est drôle, gamine je rêvais d’un prince charmant qui me fasse l’amour droit dans le regard. J’ai toujours voulu qu’on caresse mes cheveux. Qu’on me les tire pour me faire des enfants, pas la haine.

Je n’arrive pas à bouger. Mon corps couleur pêche vire couleur bleue. Je suis un hématome. J’ai mal à moi-même. Ses mains claquent, mes hanches se retournent. J’aimerais faire quelque chose. L’essentiel ne serait-il pas de participer.

Le temps ne passe plus. Clément m’attrape, je l’appréhende. Mon bureau, la gazinière, l’évier. Il me saisit contre la porte d’entrée, je la renomme porte de sortie dans le peu d’air que je trouve.

Il prend son pied, je prends des coups.

Est-ce que quelqu’un pourrait sonner, est-ce qu’on pourrait me sortir de là, est-ce que quelqu’un pourrait calmer son ardeur, sa violence, ses doigts crispés, est-ce qu’on pourrait apaiser mes blessures, les anciennes et les nouvelles.

Je n’avais jamais vu la folie dans les yeux de quelqu’un. Il lâche quelques mots. C’est beau de faire l’amour avec moi, c’est bon surtout, c’est agréable. C’est tout ce qu’il aime.

Je veux qu’il débande, je veux qu’il se casse, je veux dormir, enfiler trois pulls et m’enfermer pour un semblant d’éternité.

Ma tête s’endort tandis qu’elle est promenée. Je crois que ça fait deux heures qu’il me malmène.

Est-on en train de me violer et si oui, dois-je crier.

Il me frappe, le cul, le crâne. Il me demande d’aimer ça.

J’aimerais avoir le choix.

Je ne sais à quel moment il fatigue. Son rythme se freine, il mord un peu moins fort. Je glisse un oreiller sous son crâne dans le peu de survie qu’il me reste. Je lui gratte le dos pour endormir la bête qui sombre quelques minutes plus tard dans un sommeil à l’allure profonde.

Je l’observe, sans bouger, la peur de faire du bruit, la peur d’exister.

J’enfile sa chemise, pour un peu de réconfort. Je me demande pourquoi, pourquoi me blottir contre celui qui vient de me détruire. Je me passe les mains sur le visage. Elles sont noires de mon maquillage qui a coulé.

Maman, j’ai mal à ma tendresse.

Je m’endors dans un lit qui n’est plus tout à fait mien.

Le réveil qui sonne me surprend. C’est dommage, j’allais oublier, bien sûr que j’allais oublier tout ça. Encore une cinquantaine d’heures à dormir et peut-être que Clément aurait été loin, dans un avion ou de l’autre côté de l’Atlantique.

Il ouvre les yeux. Il me fixe, fixe sa chemise et me l’arrache. Il fait péter les boutons. Rien à foutre, son pouce attrape ma hanche. Il me retourne, écarte mes cuisses et reprend le boulot. Il est sept heures du matin.

Je ne dis rien, j’ai peur. Il rigole. Il comprend bien que mon corps est indisposé.

Alors il se lève, alors il enfile sa chemise qu’il ne peut manifestement pas boutonner, alors il me souhaite une bonne journée, alors il descend, alors je me penche à la fenêtre, brisée.

Et je le vois siffler le taxi que j’aurais dû alpaguer hier soir.

 

3 Commentaires on La tendresse

  1. cecile13
    3 octobre 2014 à 11 h 10 min (2 années ago)

    Et tu tapes tapes tapes

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  2. cecile13
    3 octobre 2014 à 11 h 12 min (2 années ago)

    waou je me suis pris une claque là… j’ai eu mal, et j’ai encore une boule au ventre!
    mais j’aime toujours autant votre écriture… vraiment!
    Bonne journée
    Cécile

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  3. Madame Sioux
    7 octobre 2014 à 13 h 50 min (2 années ago)

    Brrr…. Ca me rappelle quelque chose. La seule fois où j’ai regretté.
    Quelle écriture, toujours !!

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